Cette fois, dans le bois...

Publié le par La Fée Lubrique

Toi le chercheur de champignons qui s'est arrêté à ma hauteur pour papoter un peu, tu m'as montré ta récolte que j'ai trouvé magnifique. Le compliment était sincère. Au loin, nous avons entendu des coups de fusil, tu m'as dit de faire attention aux chasseurs car ici ils allaient partout et ils ne prenaient pas toujours leurs précautions avant de tirer. Nous avons convenu tous les deux que c'était dangereux.

Tu m'as demandé ce que je faisais là en montrant brièvement mes cartes d'oracle étalées devant moi sur le rocher plat qui me servait de table, tu m'as demandé si j'étais témoin de Jéhovah. J'ai répondu en souriant que non, que ma religion c'était la forêt et les animaux qui y sont nichés. Nous avons convenu tous les deux que chacun croyait en ce qu'il voulait.

Tu m'as alors serré l'épaule, une fois. Deux fois. C'était déjà une de trop. Toi le promeneur du bois tu m'as demandé si je dormais au gîte en face, sans réfléchir j'ai répondu par l'affirmative. J'ai cru un instant trop bref que tu allais partir, continuer ton chemin puisque tu avais fait un léger détour pour venir parler. Mais non.

Tu m'as dit que tu n'avais jamais été marié lorsque j'ai évoqué mon compagnon et mes enfants. Tu as mis un point d'honneur à préciser que tu t'étais amusé cependant et que tu profitais encore de la vie. C'est à ce moment précis que de "promeneur collant" tu es passé à "agresseur potentiel" dans ma tête. J'ai eu peur. Et comme Robert Downey Jr dans Sherlock Holmes, j'ai commencé à étudier mon environnement à la vitesse de l'éclair: le bâton de marche que tu tenais à la main, la pierre trop grosse à côté de moi, la cire chaude de la bougie qui brûlait en attendant la fin du tirage de cartes, le propriétaire du gîte beaucoup trop loin pour entendre le moindre cri.

Tu m'as à nouveau serré l'épaule mais cette fois en m'amenant contre toi. Tu étais content apparemment de t'être promené aujourd'hui: "des champignons, une jolie fille sur mon chemin, c'est très bien tout ça". Je bouillonnais mais restais dramatiquement immobile, ne sachant pas quoi faire, bloquée par une sorte de politesse merdique.

Ta main dégueulasse a une dernière fois tenté de me serrer en se rapprochant de mon sein. Cette fois j'ai bredouillé "alors... ça... non..." en prenant délicatement ton poignet à deux doigts et en retirant ton bras de mes épaules. J'ai commencé à ranger mes cartes sans te regarder, la tête baissée, respirant ton odeur de pourriture moisie encore trop présente à mon goût.

"Bon je vais vous laisser tranquille alors... A la prochaine!" as-tu dit alors.

Je t'ai entendu t'éloigner et en relevant à peine les yeux j'ai surveillé que tu ne reviennes pas. J'ai soufflé. Puis, juste après, j'ai culpabilisé.

Cette connasse de culpabilité... Celle ci c'est ma meilleure ennemie. Toujours là à m'attendre quelque part dans le coin de ma tête. Et bien sûr, pour un coup comme ça elle n'allait pas se gêner, elle est revenue me rendre visite.

Je m'en suis voulue de m'être laissée faire, de ne pas m'être barrée, de ne pas t'avoir engueulé direct parce que ça ne se fait pas de toucher les gens en plein milieu d'un bois. Moi qui suis grande gueule d'ordinaire j'ai fermé ma bouche, trop longtemps à mon goût. Je t'ai laissé envahir mon espace personnel, je n'ai pas su te dire stop.

Mais même si je ne suis pas arrivée à le verbaliser, ce n'est pas pour cela que j'étais d'accord. Tu as supposé que qui ne dit mot consent. Je ne sais pas comment tu n'as pas pu te rendre compte que j'étais mal à l'aise. Sans doute t'es-tu dit que sur un malentendu ça peut marcher...

J'ai entendu les chiens des chasseurs aboyer au loin. Je me suis dit que certains chasseurs n'avaient pas besoin de fusil pour faire des dégâts.

Alors à toi le promeneur du bois, je dédie ces lignes en te souhaitant d'aller crever, en attendant je suis dans ma chambre enfermée à double tour.

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Publié dans J'voulais vous dire...

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